With One Voice - Novembre 2021
Disponible en Anglais, Espagnol et Portugais
Bienvenue dans la newsletter du Conseil International des Créateurs de Musique (CIAM). Dans cette édition, nous nous pencherons sur la création d'un organisme de gestion collective au Cap-Vert, sur le débat entre David Israelite et Merck Mercuriadis, sur la façon dont l'Union Européenne s'attaque à la règle de limitation de responsabilité (règle de la sphère de sécurité) et sur l'intelligence artificielle.
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Mon robot a mangé mon déjeuner
Vous souvenez-vous de la terrifiante machine d'intelligence artificielle HAL 9000, le supercalculateur dans le chef-d'œuvre d'Arthur C. Clarke « 2001, L'Odyssée de l'espace » ? Depuis cette œuvre, les auteurs de science-fiction et les réalisateurs de films n’ont cessé de nous rappeler notre fin inévitable.
C'est peut-être pour cette raison que nous nous sommes méfiés de la robotique et de l'Intelligence Artificielle (IA) ; pourtant, ces avancées scientifiques sont là pour nous aider dans notre évolution constante.
L'IA perturbe de nombreuses industries et entraînera la perte de millions d'emplois. Cependant, elle crée également de nouvelles avancées dont l'humanité bénéficiera, comme dans d'autres révolutions.
C'est déjà le cas dans le métier de l'écriture musicale où l'intelligence artificielle devient, plus qu'un ennemi, un assistant pratique qui promet d'alléger le processus créatif.
L'idée n'est pas nouvelle. Alan Turing, le parrain de l'informatique, a construit en 1951 une machine qui générait trois mélodies simples et 70 ans plus tard, nous en sommes toujours là.
Le fait que Kanye West peaufine ses chansons avec la technologie d'Amper Music ou qu'Ed Sheeran expérimente l'application Flow Machines de Sony n'est pas une fin en soi, mais le signe que le temps change.
Les progrès dans le domaine de l'IA musicale se sont accélérés ces dernières années, grâce aux équipes de recherche des universités, aux investissements des grandes entreprises technologiques et aux conférences sur l'apprentissage automatique comme NeurIPS.
Cependant, les humains sont exceptionnels pour comprendre les émotions afin de créer des mélodies et même si les ordinateurs sont bons pour reconnaître les modèles et générer du contenu, ils ne peuvent toujours pas (du moins à court terme) imiter l'art de Paul McCartney, pour ne citer que lui.
En résumé, l'IA n'est pas là pour boire notre milkshake mais pour être un outil qui peut aider à résoudre des problèmes qui prenaient des heures à traiter dans le passé. A moins que... Zuckerberg soit en train de construire Skynet pendant que vous lisez ces lignes.
Des amis haut placés
Ces derniers jours, les créateurs de musique ont été les spectateurs d'un échange de mots intéressant entre deux membres éminents de notre communauté élargie, David Israelite, directeur de la NMPA qui représente les éditeurs de musique aux États-Unis, et Merck Mercuriadis, directeur de Hipgnosis, une organisation qui a fait parler d'elle récemment pour avoir acquis des catalogues de droits d'auteur de créateurs de musique connus à une échelle et à un coût jamais vus de mémoire d'homme - ce que David a dit, ce que Merck a dit. Nous vous encourageons à suivre les liens fournis et à lire par vous-mêmes la discussion, si vous ne l'avez pas déjà fait.
Notre objectif ici n'est pas de nous prononcer dans un sens ou dans l'autre sur les pensées de ces deux messieurs. Nous vous laissons, cher lecteur, le soin de tirer vos propres conclusions.
Nous souhaitons plutôt attirer votre attention sur un point plus important : il y a beaucoup d'argent, peut-être plus que jamais auparavant, qui est dépensé pour acquérir la propriété de chansons. Ceux qui, comme M. Mercuriadis, acquièrent des chansons à grands frais, souhaitent vivement voir un bon retour sur investissement.
Et nous pensons qu'il est juste de dire que la plupart des créateurs de musique partagent cet objectif. Nous nous sommes investi corps et âmes dans la création de la musique et nous voulons un retour équitable sur l'important "investissement" que nous avons fait, surtout en cette ère de croissance et de profits énormes pour les services de streaming, entre autres.
Quelle que soit votre opinion sur les modèles commerciaux concurrents et en développement qui reposent sur les bases que nous, créateurs de musique, avons si généreusement fournies, si des acteurs puissants débattent de la meilleure façon d'augmenter la valeur de nos œuvres collectives et, ce faisant, attirent l'attention sur cette question cruciale pour ceux d'entre nous qui créent de la musique, alors les bénéfices pourraient bien inclure une réelle augmentation de la valeur de notre musique et de ce que nous, créateurs, recevons.
Que la discussion animée se poursuive !
Safe Harbour (Port Sûr) et les règles de limitation de responsabilité
Imaginez qu'il y ait un port si sûr que vous puissiez littéralement remplir votre bateau de produits illégaux sans conséquences. Pourquoi ? Parce que le port appartient à un géant de la technologie, bien qu'il n'accepte pas la responsabilité de son fonctionnement. Au début, les bateaux étaient petits, mais soudain, ces compagnies maritimes géantes comme Google et Facebook en ont fait un business. En d'autres termes, ils ont paré leurs bateaux d’or avec le contenu que nous avons créé, sans avoir besoin d'obtenir d'autorisation.
La directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, ou article 17, a sonné le glas de la règle de limitation de responsabilité (encore règle de la sphère de sécurité), créée à l'origine pour garantir le partage des informations, et non des contenus. Dans le passé, la règle de la sphère de sécurité avait créé des conditions de type sauvage pour les géants de la technologie.
En bref, l'article 17 a pour but de s'assurer que tout le contenu est disponible ET sous licence par la plateforme, puisqu'elle est responsable (elle collecte l'argent et les données et elle les conserve). Ainsi, toute plateforme partageant du contenu est obligée d'obtenir l'autorisation des détenteurs de droits. Ou bien, elle est obligée de faire tout son possible pour obtenir une licence. Le processus intéressant à l'heure actuelle est de savoir comment l'article 17 et le concept de "best effort" (obligation de démarches) sont mis en œuvre dans les différentes législatures européennes.
L'article 17 a été considéré par certains comme le texte législatif le plus controversé adopté par le Parlement Européen ces dernières années. On craignait qu'il ne nuise aux petites entreprises de plateformes et aux sites comme Wikipédia, ou aux YouTubers individuels. Pour la même raison, il existe des exceptions à la nouvelle règle pour Wikipédia et d'autres encyclopédies à but non lucratif, comme GitHub et d'autres développeurs de logiciels libres.
C'est une grande victoire que nous, en tant qu'auteurs de chansons et créateurs de contenu, reprenions le contrôle de nos propres œuvres (bien que cela aurait dû être une loi naturelle en premier lieu). Nous sommes à nouveau notre propre capitaine à la barre du navire appelé création musicale.
La création d'un organisme de gestion collective au Cap-Vert : SCM - Sociedade Cabo-verdiana de Música (Société Cap-Verdienne de Musique)
Chroniqueuse invitée : Solange Cesarovna, auteur-compositeur/artiste et présidente de SCM
La SCM (Société Cap-Verdienne de Musique) a été formellement établie le 24 juin 2013 et a été créée pour apporter sa contribution fondamentale à la réalisation d'un plus grand rêve longtemps désiré par la communauté musicale et créative cap-verdienne : le début du paiement légitime des droits d'auteur et des droits connexes au Cap-Vert.
Musiciens, auteurs, compositeurs, interprètes, exécutants, arrangeurs, éditeurs, producteurs phonographiques et chercheurs en musique se sont unis d'une seule voix pour soutenir la défense de leurs droits.
Depuis sa création, la SCM a assumé le rôle d'une véritable école dans le domaine de la gestion collective du droit d'auteur au Cap-Vert, en investissant massivement dans les programmes d'éducation des membres et de sensibilisation des utilisateurs de musique, par le biais d'activités de formation et d'ateliers.
Dans le cadre de la consolidation de sa mission et de sa vision, d'autres pas de géant ont été faits au cours de la création de la SCM et l'un d'entre eux est sans aucun doute son acceptation dans la CISAC (Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs) en 2017. La CISAC regroupe actuellement 230 sociétés à l'échelle mondiale.
Pendant cinq ans, la SCM a veillé, sur une base volontaire, à ce que son travail soit développé grâce à l'engagement de ses organes directeurs statutaires. Depuis 2019, grâce à d'importants développements et réalisations, la SCM a recruté son équipe technique et a structuré les départements qui représentent les activités-clés d'une entité de gestion collective, sur la base des meilleures pratiques internationales et des recommandations de la CISAC.
Aujourd'hui, c'est avec une grande fierté que la SCM voit déjà les fruits de son travail et est en mesure de distribuer les redevances collectées à ses membres (par le biais du logiciel WIPO CONNECT) dans le cadre d'un partenariat extraordinaire avec l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) pour doter la SCM d'un système professionnel de gestion des droits d'auteur.
Nous ne pouvions pas terminer cet article sans rappeler l'un des moments les plus mémorables de l'histoire de la SCM qui a été la mission du comité exécutif du CIAM et de PACSA (The Pan-African Composers and Songwriters Alliance) au Cap-Vert en janvier 2019, conjointement avec la mission du comité exécutif de la CAF (CISAC African Committee). Mission au cours de laquelle des sessions de formation extraordinaires ont été dispensées à plus de 300 musiciens, auteurs, compositeurs, artistes, éditeurs et producteurs de musique du Cap-Vert, permettant le partage des connaissances et l'engagement de la communauté musicale et créative du Cap-Vert dans l'exercice de la noble mission de gestion collective et de protection du droit d'auteur sur le continent africain.
ENSEMBLE POUR LE DROIT D'AUTEUR ET LES DROITS CONNEXES AU CAP-VERT, PARCE QUE LA MUSIQUE, C'EST LA VIE !